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Voici l'article publié en Juin 2000 dans la revue de l'AScorsaire.
Il regroupe le rapport de mer et les commentaires de Mr Pierre Fromageot.
 

HISTOIRE D'UN NAUFRAGE OU SA LOGIQUE RECONSTITUEE

La famille de Yann SOUCHON achète, après quelques péripéties, un Corsaire de 1965, mouillé à Plougrescant sur une bouée et s'apprête à le conduire à St. Quay. Le vendeur, Monsieur K, contrairement à ses engagements antérieurs, veut disposer du mouillage immédiatement, et pour ce faire, retire la bouée qu'il emporte, laissant tomber la chaîne à l'eau et dériver le Corsaire. Heureusement l'équipage est à bord, a peine à en croire ses yeux, mais contrôle la situation.

Yann SOUCHON écrit: " Nous constatons très vite des suintements réguliers et importants. Nous entreprenons un premier examen des fonds après décapage de la peinture, et tout de suite découvrons une fissure de 2 m 50 dans le contreplaqué tribord avant. Celle-ci est rebouchée sommairement avec un mastic polyester. A l'automne, un examen plus approfondi fait apparaître des traces de chocs ainsi que 6 plaques de contreplaqué comme réparations. En outre de l'eau s'est infiltrée entre coque et plaques, surtout au niveau des bouchains, provoquant une altération de la serre (devenue molle). Nous changeons 5 plaques, stratifions les fissures, ajoutons des pièces de bois et du mastic polyester armé. Ces travaux réduisent beaucoup les entrées d'eau, sans les annuler.

L'année s'est écoulée, la nouvelle saison arrive et j'entreprends avec mon bateau, le Gwalarn, une croisière avec deux équipiers à bord et deux autres bateaux, un Corsaire et un Mousquetaire. Mon équipement de sécurité est au complet et j'ai aussi un téléphone portable dans un sac étanche (un sac à congélation) , ayant introduit dans la mémoire de l'appareil le n° du CROSS CORSEN à titre de précaution.

L'escadre se trouve ainsi à Lézardrieux qu'elle quitte à 8 h 30 le 27 juillet 1999 pour aller naviguer dans les abords de 1'lle de Bréhat. Le vent, de secteur Nord-Est, 4 à 5 avec rafales à 6 lève une mer agitée, houleuse, surtout vers la sortie du chenal Ouest. Le bateau au près, cogne fortement deux fois en retombant d'une lame et je me rends compte que la mer est trop dure. Je fais demi-tour et l'escadre se dirige vers Loguivy de la Mer, grand largue, sous 2 ris et petit foc, passant par le coté de 1'lle abrité du vent d'Est. Un équipier, qui porte sa brassière (comme tout l'équipage) rentrant dans la cabine, pour ranger son appareil photo, constate la présence de 15 cm d'eau dans les fonds. Il est 11 h 45. L'équipage écope au seau, et je dirige le bateau vers le chenal balisé d'entrée du mouillage de la Corderie à Bréhat, dans le but de l'échouer sur le sable.

En moins de 10 minutes le bateau se remplit et s'enfonce de l'arrière. L'équipage prépare les feux de détresse, tente d'affaler la grand'voile, espérant soulager l'arrière, puis renvoie pour gagner de la vitesse.

Vers 12 h, le bateau se couche sous le vent, mât dans l'eau à 500 m du rivage, entre l'amer du Rosedo et la tourelle rouge de Gos Rod, dans une zone abritée. L'eau entre par la descente. Une partie du contenu de la cabine s'échappe, dont le téléphone portable, qui flotte grâce à l'air de son sac étanche. L'équipage est à l'eau. Je rattrape le téléphone, appelle le CROSS tandis qu'un équipier juché sur la demi-coque émergée constate un enfoncement du contreplaqué sur bâbord avant d'environ 40 cm x 15 cm (seule partie non réparée par mes soins, pensant que la réparation en cet endroit était satisfaisante !).

C'est I'allumage d'un feu à main qui a permis un repérage et une récupération instantanée. Environ 3 minutes plus tard, les deux autres voiliers sont sur zone. Le Corsaire traîne sa bouée couronne amarrée à un long bout (pourfaciliter la récupération de l'équipage à l'eau) mais c'est le Mousquetaire, manoeuvrant sous voile, qui récupère tout le monde, sain et sauf. Le CROSS en est immédiatement averti. C'est le CROSS qui demandera l'interventîon de la SNSM pour la récupération du bateau.

Un voilier naviguant au moteur vient tenter de remorquer le Gwalarn, mais n'y parvient pas à cause de la proximité des rochers. Vers 13 h le Gwalarn est drossé sur les roches. La vedette Zant lvy de la SNSM de Loguivy parvient à remorquer le Corsaire dans le chenal mais la bitte d'amarrage cède et le balcon est arraché. C'est finalement le bateau du Service des Phares et Balises de Lézardrieux, avec sa grue, qui peut saisir le Gwalarn et le ramener au port, mât brisé, coque abîmée par les roches. ...Le lest et le safran sont en place.

Les volumes de polystyrène expansé en place dans la pointe du bateau ont soulevé 3 des 4 plaques de contreplaqué vissé pour les maintenir, se dégageant des zones où ils auraient du rester, et se collant contre le plafond du roof.

Le bateau, considéré comme épave après la visite de l'expert de l'assurance, a été détruit à la tronçonneuse. "
 
 

Cette aventure est exemplaire à plus d'un titre.

1) Tout d'abord le skipper a parfaitement réagi montrant à la fois compétence et sang froid. La précaution d'inscrire dans la mémoire d'un téléphone portable le numéro d'appel du CROSS est une mesure dont il faut souligner le bien fondé. Le skipper rappelle qu'un sac de congélation à zip est étanche, résistant, souple et bien moins cher qu'une housse vendue à cet effet. Sa décision, voyant l'eau envahir le bateau, de se diriger vers une zone abritée de la côte, était bonne, et la présence des 2 autres bateaux, particulièrement heureuse. C'est un des intérêt de naviguer en escadre. On notera le calme de l'équipage, qui a vu lesfonds du Corsaire et s'en est souvenu. On soulignera aussi l'efficacité du repêchage de l'équipage à l'eau par le Mousquetaire, manoeuvrant à la voile.

2) Sur le plan technique, c'est l'enfoncement d'une région des fonds " renforcée" par une contre- plaque, la seule qui n'ait pas été changée, qui est à l'origine du naufrage. L'entrée d'eau, située à l'avant n'était pas directement accessible de l'intérieur et ne pouvait être colmatée. Il semble bien que la " peinture rutilante " du bateau à l'achat, ait masqué des défauts sérieux et même gravissimes qui n'ont pas tous été remarqués ensuite, parce que dissimulés. C'est inacceptable, et de la part du vendeur, une faute. Las !

Une plaque de contreplaqué pour obturer un trou, avec une contre-plaque à l'intérieur, rivetée et collée, est parfaitement résistante, si elle prend appui sur des matériaux sains. La pose en limite de serre de bouchain est plus délicate et en limite de quille, encore plus, mais une réparation bien faite est aussi solide que l'original. Pourchassez les zones molles, elles doivent être remplacées et les colles époxy permettent des reconstitutions merveilleuses. (voyez le bulletin n'143 de septembre 1999, page 32).

3) La remarque de Yann SOUCHON relative aux blocs de flottabilité est très pertinente. La force qu'ils développent, plongés dans l'eau, est voisine de 250 kg et s'exerce sur les vis maintenant les panneaux de contreplaqué. Si ces vis rouillent elles ne tiendront plus, et sollicitées vers le haut, s'arrachent ou cassent. Les blocs s'échappent et ne jouent plus leur rôle. Vérifiez vos vis, changez les, renforcez leurs trous dans les tasseaux avec de l' Araldite.

Yann SOUCHON fait remarquer avec raison que les vis des panneaux travaillent, quand l'eau envahit le bateau, à l'arrachement. Il propose de renforcer la fixation des panneaux par des sangles vissées dans les tasseaux et dans la serre de l'avant du bateau. Ces vis travailleront alors au cisaillement, ce qui est bien meilleur.

Rappelez-vous enfin que les coffres du cockpit doivent être étanches au fond et les couvercles fixés de façon à ne pouvoir se détacher. En effet, si de l'eau envahit le bateau, elle ne doit pas pouvoir envahir aussi les coffres du cockpit, qui représentent deux volumes de flottabilité importants sur l'arrière.

Merci à Yann SOUCHON d'avoir pris la peine d'envoyer son rapport de mer et de nombreux, intéressants et importants commentaires àl' Ascorsaire. Que son aventure bien triste soit pour tous une leçon.

P.F.
 

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